Lettre du 7 février 1915, depuis Saint-Laurent-sur-Gorre.

Dans cette lettre destinée à sa cousine, André développe sa fierté d’être chasseur à pied. Il se veut rassurant quant à son moral.

[...] Au moral comme au physique je suis très bien. Je suis très heureux et me porte à merveille. Je suis fier d’être au 16^e bataillon de chasseurs à pied. Sans doute, c’est une arme dangereuse où 80% peut-être y laissent leur peau ou sont à moitié démolis, mais c’est aussi une arme glorieuse, une arme d’élite. C’est pourquoi c’est si dur à tout point de vue. C’est dur pour le simple soldat, que l’on instruit beaucoup, que l’on active, que l’on pousse énormément et qui doit valoir un caporal de « biffins » ( la ligne ) ; c’est dur pour les aspirants à n’importe quel grade, car l’accès de ces grades est très grand, car on exige d’eux un grand maximum d’énergie physique et morale, beaucoup de travail et de courage ; c’est dur pour tous les gradés à qui on demande des forces physiques et morales très grandes, un entier dévouement et une sollicitude complète pour leurs soldats, une connaissance complète de leurs devoirs et fonctions. C’est dur pour tous, car tout en les instruisant vite, on veut en faire des hommes d’élite et les rendre capables en peu de temps de rejoindre les autres sur le front, pour y affronter les plus durs dangers, les plus grandes épreuves. Ce qui le prouve, c’est le prompt départ des recrues de 1914 et bientôt de 1915. C’est le grand ouvrage des recrues en train de s’instruire, c’est le renouvellement 8 fois de suite du bataillon. C’est pourquoi j’en suis fier. Je suis heureux de faire partie de ces hommes déterminés à tout, à la mort plutôt que de reculer, de ces hommes courageux que l’on emploie dans les grands dangers et dont on abuse un peu par moment. Il faut bien payer la gloire. La fatigue, le débordement de l’ouvrage, les peines, etc. en sont le juste salaire.

Non seulement j’en suis fier mais j’y suis très bien. En général officiers, sous-officiers et soldats sont bien. Il y a bien par ci, par là quelques mentalités à part, mais ce sont des exceptions.

Donc la santé, la joie, la bonne humeur continuent de me rendre la vie douce et facile. Avec cela le moral inchangé et inchangeable. [...]