Lettre du 15 avril 1915, depuis Saint-Laurent-sur-Gorre.

[...] J’ai également reçu une carte de Paul, du 10, carte que je joins à ma lettre. Enfin, à ces deux cartes, s’ajoutait une troisième de Louis Christiaens, dans laquelle il m’annonçait son bon état de santé. Il m’expliquait aussi la façon dont lui, maintenant, comprenait la guerre : « la guerre est pour moi du sport, et en ce moment je fais du grand tourisme. » Je ne sais pas si je l’envisagerai ainsi là-bas, mais en tous cas je ferai tout mon devoir.

Ici, depuis quelques jours, il y a du nouveau. L’arrivée de la classe 16 a apporté quelques changements. Nous qui n’étions déjà pas trop bien équipés, avons été dépouillés complètement ou presque au profit de la classe 16. Maintenant je n’ai plus de képi ( j’ai un simple calot de bleu ), de fusil, de cartouchières, d’équipements, de ceinturon, de bidon. Bien mieux, ceux qui avaient touché en arrivant des caleçons et des mouchoirs ont dû en reporter un. Vous voyez comme on soigne les bleus. On les habille complètement et de neuf et on va les envoyer dans deux jours à Limoges où ils seront exercés. Il est vrai qu’ils sont bien jeunes.

Suis toujours en bonne santé et toujours content, quoique la vie de dépôt ne soit pas bien agréable.

J’espère que vous tous êtes en excellente santé et que vous ne faites pas trop de bile. Je vous embrasse de tout cœur ainsi que frères et sœurs. Votre fils affectueux

A Bourgain

Il m’est impossible de vous écrire plus long car il existe ici un brouhaha indescriptible. Good night.