Lettre du 19 avril 1915. "Dans les tranchées" de Saint-Laurent-sur-Gorre.
Je suis bien comme l’indique l’entête de ma lettre, dans les tranchées, mais ce sont les tranchées situées entre Saint-Laurent-sur-Gorre et Saint-Cyr, que vous avez vues lors de votre voyage ici. Mon occupation n’y est pas bien grande. Je surveille le travail d’une vingtaine d’hommes dont le grand courage et la bonne volonté me laissent de grands loisirs. C’est ce qui fait que je vous écris en pleine après-midi, sous le soleil brûlant du Limousin.
Cette fois, du nouveau, il y en a ! La monotonie de la vie de dépôt est rompue depuis quelques jours. L’arrivée de la classe 16 y a été pour beaucoup et en tous cas la cause déterminante. Ces jeunes chasseurs, par suite d’ordres ministériels sont l’objet de grands soins. D’abord nos cantonnements ayant été reconnus impropres pour eux, ils s’en vont dès demain à Limoges où ils seront instruits. Mais avant de les laisser partir il fallait les habiller et équiper complètement. Ce fut le point difficile. Les habiller, les équiper, avec quoi ? Le magasin ne contenant pas le minimum d’affaires nécessaires. Solutions... Les chasseurs demeurant au dépôt durent donner soit des képis, soit sacs, équipements, soit des caleçons, etc. Quelquefois képis, sacs, etc. à la fois ( dans la chambrée ). Pour moi je fus débarrassé du képi, sac, fusil, équipement et bidon, et pour coiffure je reçus un calot qui fit bientôt place à un béret... Heureusement que nous ne tarderons pas à être rhabillés complètement, mais alors ce sera pour partir. La classe 15 commence à partir dès demain. En effet demain part un petit détachement pour le 56e dont 8 chasseurs de la classe 15. Dans quelques jours partira ainsi que cela a été lu au rapport, un détachement pour le 16e dont fera certainement partie un certain nombre de la classe 15... Enfin il est question de la formation d’une compagnie de marche.
Le jour du départ approche donc mais cette fois c’est sérieux. Cependant que Mère ne s’alarme pas maintenant, il se passera encore quelque temps avant que je sois bien en danger.