Lettre du 8 mai 1915, depuis Saint-Laurent-sur-Gorre pour sa cousine.

Etant exempt d’exercice, j’ai de grands loisirs que j’emploie à écrire à la famille et à toutes les personnes qui me sont chères. Quoique ayant été légèrement souffrant ces jours derniers, je me porte maintenant très bien. Je suis toujours content, quoique le métier devienne de plus en plus dur par suite de la chaleur. De plus le réveil est maintenant à 5 heures. Enfin, je m’habituerai comme les autres et je deviendrai aussi endurant qu’eux.

Comme tu le vois je ne suis pas encore parti et je ne suis peut-être pas encore près de partir. Jusqu’ici le capitaine n’a pas voulu que les élèves caporaux s’en aillent. Nous devons partir en principe chacun notre tour comme chef d’escouade, à chaque détachement de renfort pour le 16^e. Cette semaine partent trois détachements : un pour le 16^e avec lequel part un élève caporal comme chef d’escouade, un autre pour le 56^e et un autre pour une compagnie de marche. Et ces trois détachements partiront sans moi.

Quand partirai-je ? Je l’ignore. Dieu sait pourtant si je suis encore là par ma faute. Enfin je patienterai tout comme un autre.

A pat cela rien de nouveau ici. Le paysage devient superbe, tout verdit, fleurit, etc. La nature est réveillée et l’été a véritablement fait son apparition. Les chaleurs sont très fortes et les orages très fréquents.

Et à Boulogne, quel temps fait-il ? Que dit-on, que pense-t-on de la guerre ? Les Anglais continuent-ils leurs constructions immenses ? Y a-t-il toujours autant de blessés ?