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Les découvertes du chamois
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11 janvier 2006

Maurice Doublier. - Le joueur de flûte

LE JOUEUR DE FLUTE

Chanson d’Argonne chantée par l’auteur sur le front.

Air : Le Biniou.

De ma bourse un peu pauvrette,
Vieux souvenir de chez nous
Je me suis permis l’emplette
D’un’ bell’ flûte à dix-neuf sous.
Dans notre forêt d’Argonne,
O les jolis airs qu’ell’ sonne !
Avec ell’ , fi du danger !
Les marmites peuv’ nt tomber.

Les marmit’ s sont des folles
Qui en explosant, font un pétard fou ;
Leurs éclats au loin s’envolent
Moi, je joue d’ la flûte... et je m’en fous !

II. –
Joyeuses chansons de France,
Refrains de haine ou d’amour,
Rondes, marches ou romances
Venez à moi tour à tour.
O les exquises minutes
Que je vis avec ma flûte !
Les ball’ s qui pass’ nt en sifflant
Nous font un accompagn’ ment

Mais les ball’ s sont des folles
Et qui en a peur est encor’ plus fou ;
Les branch’ s craqu’ nt, les feuill’s s’envolent
Moi, je joue d’ la flûte... et je m’en fous !

III. –
Aux yeux de m’ compagnons d’arme
J’ai, certains soirs, en jouant,
Vu bien souvent une larme
Briller comme un diamant.
O musique tendre et douce...
Mais soudain : une secousse !
Le sol semble s’ effondrer,
C’est un’ min’ qui vient d’ sauter !

Mais les min’ s sont des folles
Qui n’sav’nt en sautant que fair’ de grands trous
La terr’ mont’... puis dégringole,
Moi, je joue d’ la flûte... et je m’en fous !

IV. -
Quand la guerr’ s’ ra terminée
Et que nous rentrerons gaiement
J’ veux être à notre arrivée
En tête du régiment.
Et tout le long de la rue,

Devant la foule accourue
Je jouerai triomphal’ ment
Mon air le plus entraînant.

J’ vois déjà, ma parole !
Mes doigts, ô ma flûte ! danser sur tes trous,
Pour tous deux, quelle joie folle !
Ô ma jolie flûte... à dix-neuf sous.

V. –
Mais, si jamais je succombe,
Les gars, c’est mon testament,
Je tiens à c’ que dans ma tombe
On mette mon instrument.
Les nuits sont longues en terre,
Alors, triste et solitaire,
Pour endormir mes douleurs,

Je jouerai, séchant mes pleurs :
Les douleurs sont des folles... Mais, penser à ça, c’est bon pour les fous,
A nous deux, toi qui consoles
Ô ma jolie flûte... à dix-neuf sous !

MAURICE DOUBLIER
Argonne, 1915

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