Mort du capitaine Léonce Duverney
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Le 25 octobre 1914, un faire-part publié dans le journal « La Croix de Savoie » annonçait la mort du capitaine Léonce Duverney en ces termes :
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Madame Léonce Duverney ; Monsieur Charles Duverney ; Mesdemoiselles Marguerite, Germaine, Madeleine Duverney ; Madame Camille Duverney, née Challier ; les familles Duverney, Thomas, Vesco, Péricand, Guy, Revuz, Challier, Feignet, ont la douleur de vous faire part de la perte cruelle qu'ils viennent d'éprouver en la personne de Monsieur Léonce DUVERNEY Capitaine au 13e Bataillon de chasseurs à pied, Commandant le 53e alpin, Chevalier de la Légion d'honneur, âgé de 48 ans, tombé glorieusement pour la France à la tête de son bataillon à Robache, près de Saint-Dié, le 26 août, et inhumé provisoirement à Saint-Jean-d'Ormont (Vosges). Et vous prient de vouloir bien assister au Service funèbre qui sera célébré le vendredi 30 octobre, à 9 h. ½ du matin, en l'église de Saint-Pierre de Lémenc. Il ne sera pas envoyé de lettres d'invitation ni de faire-part. |
Le 8 novembre, le même journal confirmait officiellement
al mort du capitaine Duverney :
Encore un deuil attristant pour la ville de Chambéry ! On a reçu l'annonce officielle de la mort du commandant Duverney, tombé glorieusement près de Saint-Dié, le 26 août, et inhumé provisoirement à Saint-Jean-d'Ormont. Né à Chambéry en 1867, brillant élève du collège de Rumilly auquel il resta cordialement attaché, Léonce Duverney, à sa sortie de Saint-Cyr, fut nommé sous-lieutenant au 133e, puis lieutenant au 13e chasseurs. Il reçut, dès le début de la guerre, le commandement du 53e chasseurs, à la tête duquel il tombait, cinq jours après avoir quitté la Savoie. Frappé d'une balle qui lui trancha l'artère fémorale, il fit un grand signe de croix, face à son bataillon, donna ses ordres, puis se mit à prier… Il mourut comme il avait vécu, en grand chrétien. Nous unissons nos regrets à ceux de ses soldats, de sa famille, de ses amis, nous associant aux sublimes paroles que nous avons lues dans une lettre de sa mère : « Que Dieu recueille tout son sang et nos immenses douleurs pour le salut de la France ! »
Il faut attendre le 24 décembre pour lire un récit plus
détaillé encore de son parcours et des circonstances de sa mort :
M. Duverney était un modeste, qui s’étonnerait, s’il était encore au monde, que la presse s'occupât de lui.
Apres de brillantes études au Collège de Rumilly, puis au Rondeau et au Lycée de Chambéry, il fut admis à Saint-Cyr dans un bon rang,
Nommé capitaine au 23e chasseurs, en 1895, à Grasse, il permute bientôt pour se rapprocher de sa famille et vint à Chambéry. Désolés de son départ, ses chasseurs qui le regrettaient comme un père, lui élevèrent un arc de triomphe.
Au 13e bataillon de chasseurs, à Chambéry, il ne tarda pas à être très estimé et aimé. Nommé chevalier de la Légion d'honneur, au cours des manœuvres de 1911, il ne voulut jamais, en civil, décorer sa boutonnière du petit ruban rouge.
Chrétien très convaincu, il ne rougissait pas de se montrer, sans forfanterie, mais sans crainte, tel qu'il était.
Officier laborieux, il passa toutes ses heures de loisir, et une partie de ses nuits, l'hiver dernier, à composer « le Guide du secteur de la Tarentaise ». Après avoir examiné ce travail compliqué, le commandant Verlet-Hanus lui dit : « Je vais demander pour vous les palmes académiques. »
Au début de la guerre, il fut nommé commandant du 53e bataillon de réserve du 13e alpin, ou il fut heureux de retrouver tous les hommes qui le connaissaient bien.
Il partit courageusement, mais avec le pressentiment, plusieurs fois exprimé à sa famille, à ses amis et à ses anciens professeurs, qu'il ne reviendrait pas. Après avoir puisé la force dans l'accomplissement de ses devoirs religieux, il s'arracha avec douleur à tout ce qu'il aimait.
C'est dans les bois de Robache qu’il tomba, en transmettant des ordres à ses officiers. Trois fois son lieutenant le supplia de se mettre à l'abri de la mitraille. Ce fut en faisant un pas vers un arbre, qu'il fut frappé d'une balle, qui lui trancha l'artère fémorale, un peu au-dessus du genou. Il tomba en faisant un grand signe de croix, en murmurant des prières, pour ne se réveiller que dans le séjour de la gloire, où le Dieu de miséricorde récompense ses fidèles serviteurs et les vaillants soldats.
Le bataillon, obligé de se replier, abandonna avec tristesse son chef bien-aimé. Une heure après, le lieutenant de Guigné, un sergent et six hommes de bonne volonté essayèrent vainement, au péril de leur vie, d'enlever la dépouille mortelle de leur commandant. Il fut inhumé, six jours après, par les autorités civiles de Saint-Jean d'Ormont. C'est de là que plus tard il sera ramené dans le tombeau de sa famille.
Nous adressons à sa mère vénérée, à sa digne et courageuse épouse, et à ses enfants chéris, nos vives condoléances. Puissent-elles adoucir leur grande douleur !
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Cimetière de Saint-Jean-D’Ormont |
Stèle des morts inhumés à
Saint-Jean-D’Ormont |
Le Livre d’Or du Lycée de Chambéry a publié son portrait et cette courte notice :
Militaire de carrière. – Elève de l’Ecole de Saint-Cyr. Capitaine au 13e bataillon de Chasseurs Alpins, à Chambéry. Chevalier de la Légion d’Honneur.
Parti au front comme capitaine commandant le 53e bataillon de Chasseurs Alpins.
Mort pour la France le 26 août 1914 à Saint-Jean-d’Ormont (Vosges).
Né à Chambéry 26 février 1866. – Sorti du Lycée en 1885 (cours de Saint-Cyr).
Citation à l’Ordre de l’Armée : « Officier d’une haute valeur militaire. Modèle d’honneur, de devoir et d’abnégation. Glorieusement tombé, frappé à bout portant, en abordant, avec les éléments de la tête de son bataillon qu’il entraînait à l’assaut, une ligne ennemie fortement tenue. » (22 décembre 1915, Officiel du 4 mars 1916.)
Croix de guerre avec palme à titre posthume.
(26 février 1916.)