Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Les découvertes du chamois
Les découvertes du chamois
Publicité
Archives
14 mars 2005

Lettre du 5 janvier 1915, depuis Saint-Laurent-sur-Gorre.

Aujourd'hui, nous ne faisons pas grand-chose. Quoiqu'il soit 1 h. ¼, je n'ai encore rien à faire et je suis libre jusqu'à 2 heures. Ce matin, il n'y a pas eu d'exercices. On nous a tous pris notre mesure pour nos effets de guerre ( sage précaution ) ainsi que pour nos chaussures de guerre. Puis nous avons été libres. Cet après-midi, à 2 heures je dois aller me présenter avec mes bottines achetées à Boulogne, pour toucher le prix qu'on les a estimées. A 3 heures et demie, revue des deux compagnies situées à Saint-Laurent et en tenue de drap par le capitaine. Puis on sera libre, sauf ce soir à 6 h. où il faudra aller à la théorie jusqu'à 8 h.

Depuis le 24 décembre, je suis complètement habillé. J'ai touché un képi neuf ( un peu grand, mais bien avec deux journaux dedans ), une capote et une veste neuves, avec des boutons de vêtements civils, un pantalon déjà usagé et qui m'arrive au milieu du mollet ( cela, peu importe car je mets des molletières ). J'ai touché un fusil, un sabre, des cartouchières, ceinture, bretelles de cartouchières, de fusil. J'avais également touché un sac, mais on me l'a repris hier. Je suis très content car il était en toile molle et c'était un véritable chiffon. On va m'en donner un autre, de modèle anglais. Avant-hier j'ai touché une paire de bottines qui me vont très bien, mais qui sont plutôt des bottines de repos que de marche et de fatigue.

Enfin j'ai tout l'équipement complet du chasseur à pied. D'ailleurs par mes progrès dans l'instruction militaire et mon attitude assez correcte, je deviens un véritable chasseur... Et tous mes compagnons, parmi lesquels plusieurs Boulonnais, le deviennent également. Ce sera malheureux pour les Allemands s'ils forcent les chasseurs à pied de la classe 1915 du 16e bataillon de venir les voir. Aucune force ne pourra arrêter ces vaillants chasseurs à pied de 19 ans, dignes descendants des héros de Sidi-Brahim.

Jusqu'ici je n'ai reçu que deux lettres de la maison. Celle de mère, envoyée dès la réception de mon adresse, et qui m'annonçait le prochain retour de Père ; l'envoi de quatre lettres à Oradour et l'envoi d'une lettre de Père et de mon Oncle Joseph avec une fausse adresse, toutes lettres non encore arrivées. La deuxième est celle envoyée par Mme Millescamps ( il faudra la remercier de ma part, car je l'ai oublié dans la lettre que je lui ai envoyée il y a trois jours ). Jean, Marie-Louise, Pierre et reçue le 29 décembre. J'ai également reçu au commencement une carte de J. de Berny, carte envoyée à Oradour et dont j'ai dû lui annoncer la réception.

Je remercie Jean, Marie-Louise et Pierre de leurs bons vœux. Mes vœux pour eux doivent être arrivés maintenant car ils sont partis à la Noël. Pour la nouvelle année, j'ai réussi à écrire à tous, parents et amis, plus ou moins longuement. J'ignore si mes cartes et lettres sont arrivées. Si tous n'en avaient pas, il serait bon de me prévenir. Dans votre prochaine lettre, donnez-moi les adresses exactes d'Eugène, de M. Millescamps, Marc, Charles, Tétart, Fourny et Rémoleuse ? Donnez-moi également des nouvelles de Boulogne, et un peu de la guerre. Ce qu'on en pense dans notre région. Ici les journaux ne renseignent pas, et c'est à peine si on croit leurs communiqués officiels.

Excusez-moi auprès de mes oncles, tantes, cousines, si je ne leur écris pas plus souvent, mais je n'ai pas beaucoup de temps. A la maison, j'écris presque tous les jours, soit une carte, soit une lettre. J'ai reçu une carte de Louis, dimanche, et lui ai répondu. Paul n'a pas encore répondu à mes quatre cartes ou lettres envoyées ainsi que Benoît.

Votre voyage à Paris s'est-il bien passé ? Qu'ont dit Paul et Benoît ? Tout le monde se porte-t-il bien ? Je suis toujours très bien et très heureux. Je couche toujours dans un bon lit et mange toujours le dimanche matin du chocolat et pain grillé. Au revoir. Je pars. Je vous embrasse ainsi que tous, frères, sœurs, y compris mon beau-frère et ma belle sœur, ma tante M-L. et Jeanne, Mme Millescamps. Mes respects à Mme Veuve de Berny. Amitiés à Anne-Marie.

La famille Millescamp semble très proche de la famille Bourgain. Voici un groupe sur lequel nous avons justement le capitaine Louis Millescamp. Il appartenait au 127e RI. et a été "affecté" au 327e à la mobilisation à Valenciennes.

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité