Le Drapeau
LE DRAPEAU DES CHASSEURS :
Quand passe devant vous le Drapeau des Chasseurs,
Avec les croix et les rubans évocateurs
Qui parent sa hampe héroïque,
Fussiez-vous le plus grand ou le plus orgueilleux,
Ne le regardez pas. Il faut baisser les yeux
Devant cette Sainte Relique !
Le Chasseur qui le porte, est un brave, un vaillant,
Il ose regarder la mort en souriant.
Calme, il la toise et la défie...
Et pourtant, quand il tient cet Emblème immortel,
Il a les yeux baissés, comme un prêtre à l’autel,
Quand, sur nous, il lève l’Hostie...
C’est qu’il se sent suivi, c’est qu’il se sent frôlé,
C’est qu’il devine alors son Drapeau survolé
Comme par un vol de colombes...
C’est qu’il sent palpiter autour de ses haillons
Les âmes des Chasseurs de tous les Bataillons,
Qui sortent de toutes les tombes...
Il les voit... Ils sont, là palpitants, anxieux...
Il les entend crier : « Pas si vite, dis, vieux,
Arrête un moment, qu’on le voie ! »
Et d’autres, se traînant sur le bord des chemins,
Vers leur Chiffon chéri tendent leurs bras sans mains,
Espérant en saisir la soie...
Et la SIDI-BRAHIM déferle sans repos...
Le vent, qui fait si bien chanter les vieux drapeaux
En dépit des vieilles blessures,
Redonne la jeunesse à celui des Chasseurs,
Et l’on entend frémir, dans ses fières couleurs,
L’orgueil des batailles futures !
Et le Porte-Drapeau marche, les yeux baissés...
Il porte dans ses bras les Morts et les blessés
Avec leurs croix et leurs médailles...
Et les petits Chasseurs, ceux qui vivent encor’
Derrière cette loque où subsiste un peu d’or,
Défilent, en cambrant la taille.
Lucien BOYER (Ancien du « Premier »)